lundi 19 avril 2010

Huit fois debout, de Xabi Molia (France, 2010)



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Note :
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Pour son premier film, le jeune réalisateur Xabi Molia (qui est aussi écrivain) frappe sacrément fort… et juste ! Dans « 8 fois debout », il conte la galère de deux chômeurs dans la dèche totale,
sur le point d’être expulsés de chez eux et qui ne savent plus comment ils vont s’en sortir… Au début du film, ils habitent encore le même palier, ce qui les fait se rencontrer une première fois…
Mais c’est le hasard, ou peut-être ce qu’il est convenu d’appeler le « destin », qui les fera se revoir de nombreuses fois, jusqu’à ce qu’ils se trouvent enfin prêts à affronter la vie ensemble…
Malgré son sujet grave et un peu déprimant, le film saisit ainsi les subtilités de la comédie romantique, sans pourtant jamais sombrer dans le cliché…

Mais avant de trouver l’amour, les deux personnages, formidablement interprétés par Julie Gayet et l’excellent Denis Podalydès, vont traverser mille et une galères, d’entretiens d’embauches
foireux en petits boulots au noir, de déceptions devant le manque de solidarité du genre humain en vie de SDF dans les bois… Le talent de Xabi Molia est de rendre toute cette précarité et toute
cette déprime quasiment constamment drôle, grâce à un point de vue toujours décalé sur les choses, à la fois mordant et tendre, ironique et profondément humain. A ce titre, les séquences où nos
anti-héros se retrouvent devant un DRH pour se vendre en vue d’un futur emploi deviennent des petits joyaux d’humour absurde, parfois poétiques et philosophiques… Quand on lui demande pourquoi
son CV ne mentionne pas ce qu’il a fait ces dernières années, le personnage de Podalydès explique par exemple qu’il devait prendre du recul pour savoir s’il était vraiment fait pour travailler.
Il exprime le doute, dans une société où seule la certitude semble récompensée. Les précaires de « Huit fois debout » sont à l’image de la plupart des chômeurs d’aujourd’hui : contraints de se
plier aux lois et aux exigences d’un marché qui les rejettent et qui n’est là que pour mieux les broyer et les humilier, leur laissant finalement croire qu’ils sont bien trop médiocres pour avoir
le droit d’exister dans ce monde, où celui qui n’a pas de travail n’est strictement rien…

Sous la comédie, pourtant constante et menant bien souvent à l’hilarité du spectateur, pointe ainsi des sujets plus sérieux et difficiles. Mais c’est justement ce regard décalé qui permet au film
d’exprimer une vision radicalement autre du monde du travail, de le questionner sur son sens et sur sa capacité d’intégration des êtres… La situation du personnage de Julie Gayet soulève encore
autre chose : celle de la dignité d’une mère atrocement bafouée aux yeux de son fils qui a fini par la rejeter, son incapacité à décrocher un emploi la rendant apparemment indigne d’être aimée !
Une scène étrange vient cependant renverser la donne et remettre le principe de réalité et d’humanité bien au-dessus du « Dieu Travail » : ayant emmené en périple son fils pour le week-end, la
mère joue avec le garçon sur la plage, lui lançant un ballon dans l’eau pour qu’il puisse le rattraper… Dans le regard de la mère, on a l’impression qu’elle souhaite l’accident, qu’elle l’attend,
et quand son fils manque de se noyer, elle se jette à l’eau pour le sauver et finalement récupérer son amour… La mère a-t-elle manipulée son enfant ? Ou est-ce la chômeuse en elle qui a fini par
intégrer les règles d’un monde sans pitié, où les rapports entre les gens, comme les échanges lors d’un entretien d’embauche, ne reposent que sur l’art de la manipulation ou sur la capacité à
enjoliver le réel, soit tout bonnement mentir impunément ?

Pleine de fantaisie, portée par des acteurs vraiment agréables, cette comédie un peu amère finit par en dire long sur les hommes, tout en rendant un très bel hommage aux marginaux, aux êtres
lunaires et inadaptés à la dure vie sur Terre...



 



Mise en perspective :



- Les invités de mon père, d’Anne Le Ny (France, 2010)































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5 commentaires:

  1. "L'hilarité du spectateur", comme tu y vas...En tout cas j'ai trouvé le personnage de Julie Gayet bouleversant...Tu as vu, elle a coproduit le film ? C'est plutôt rare dans le cinéma
    français une comédie sociale un peu brusque et un peu fantaisiste en même temps, je sais pas si je me fais bien comprendre... Ah bon le film est pas bien accueilli par les critiques ?
    Heureusement Phil Ciné est là.

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  2. Un film largement conseillé par la critique. La tienne à soulevé chez moi l'envie de voir ce film. Peut-être en dvd dans 4 mois.

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  3. ça me tentais bien mais j'ai lu beaucoup de critiques tièdasses voir mauvaises et du coup je me demandais...


    Ton papier me redonne envie, sera t'il encore à l'affiche ici quand je pourrais enfin tenir 2 heures assis...?

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  4. Ba j'essaye d'y aller une fois par semaine. Mais j'y vais jamais seul donc niveau choix, on prend souvent les grosses sorties genre Green Zone ou Choc des Titans. Je me rattrape donc bien souvent
    en achetant des blu-ray, comme je l'ai fais avec Rapt.

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  5. ah oui voilà pourquoi j'y vais seul la plupart du temps... quand on est à plusieurs, on choisit toujours un truc qui finalement ne convient à personne, à trop chercher à vouloir convenir à tout
    le monde... ;)

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