lundi 5 avril 2010

Daniel & Ana, de Michel Franco (Mexique, 2010)



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Note :
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Dès le début, un carton nous prévient que ce qui suit est tiré d’une histoire vraie. Avant le générique de fin, un autre texte nous explique que ce genre d’histoire, il y en a des tas chaque
année au Mexique pour alimenter le marché noir de vidéos pornographiques malsaines que certains sont prêt à racheter à prix d’or : comme peu de victimes osent témoigner, à l’image des personnages
du film, le problème prolifère… Mais entre ces deux avertissements, quelle claque ! Et quelle leçon de cinéma inouïe ! « Daniel et Ana » est un pur film, brillamment mis en scène et
magnifiquement interprété…

Certes, le film de Michel Franco est d’une violence psychologique rarement observée au cinéma. En évoquant un interdit majeur de nos sociétés, l’inceste, et en le présentant aussi frontalement et
abruptement, le cinéaste marque fatalement les esprits ! Daniel et Ana sont frère et sœur, plutôt complices, et partagent une existence plutôt tranquille et aisée à Mexico. Ana s’apprête à se
marier, Daniel est sur le point de découvrir les plaisirs sensuels avec sa petite amie… Quand soudain, tout bascule dans l’horreur, d’une façon aussi gratuite qu’inattendue. Les deux jeunes gens
sont kidnappés et emmenés dans une maison où on les force à avoir des relations sexuelles entre eux devant une caméra s’ils veulent rester en vie. Sans un mot, avec beaucoup de larmes, les voilà
en train de commettre l’irréparable…

De cette expérience atroce va naître un mutisme palpable des deux personnages, au milieu de leur entourage sidéré auquel ils n’osent avouer la chose. Il est intéressant de voir comment le
réalisateur traite le sujet, en montrant bien toute la culpabilité sourde du frère et de la sœur, alors même qu’ils sont les victimes. Bien sûr, on pourrait tergiverser amplement sur les
conséquences d’un tabou sociétal, scellé par des lois religieuses ou par la psychanalyse, qui enferme les individus dans des systèmes de pensées tout tracés et finalement dangereux… Mais le film
utilise surtout le poids mortifère de l’inceste, spécialement forcé, pour montrer le désastre intérieur inhérent de ses protagonistes. Il décrit des comportements, laisse transparaître le vide
existentiel sur les visages, mais ne donne jamais les clés ou des explications rassurantes… Si Ana essaie de s’en sortir autant qu’il est possible de le faire, en allant voir secrètement une
psychologue, Daniel demeure inerte devant un mur infranchissable… Très belles séquences, comme un clin d’œil, lorsqu’il fait l’école buissonnière pour aller voir n’importe quel film dans une
salle de cinéma : un besoin d’ailleurs, de ne plus être ici, semble l’habiter alors.

Mais bien plus qu’une dénonciation ou une mise en garde devant un fait de société des plus cruel, le premier film de Michel Franco se présente surtout comme une œuvre intelligente et aboutie,
puissante et inconditionnelle, d’une maîtrise formelle incroyable ! La durée des plans, souvent fixes, sur le désarroi des personnages, le cadrage précis et admirable, l’utilisation de la musique
ou des ambiances sonores, l’intensité des acteurs (Marimar Vega et Dario Yazbek Bernal, jeune frère de Gael Garcia, qui en prend le joli chemin…), capables de se débrouiller avec une quasi
absence de dialogues… Tout confine à faire de ce long métrage un film puissant et nécessaire de la cinématographie contemporaine ! Si l’on pense au style froid et épuré d’un Michael Haneke pour
la scène de l’inceste, ou aux errances mutiques, douces et apsychologiques de la caméra d’un Gus Van Sant, on demeure surtout en total éblouissement devant une œuvre entièrement nouvelle,
marquant très probablement la naissance d’un cinéaste majeur !































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3 commentaires:

  1. Tiens, on dirait que ce thème de l'inceste est à la mode en ce moment. J'ai entendu parler d'un autre film sud-américain sur l'amour incestueux mais voulu cette fois entre deux frères, sans
    oublier le dernier Paul Auster... quelque chose dans l'air du temps?
    Ce film-ci a l'air dur en tout cas... 

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  2. et bien, je vois que ce film t'a totalement emballé, j'en prends bonne note !

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  3. oui qu'on se le dise : il faut aller voir "daniel et ana" avant qu'il ne disparaisse trop vite de l'affiche...

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