mardi 9 mars 2010

L’arbre et la forêt, d'Olivier Ducastel & Jacques Martineau (France, 2010)

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L’arbre qui cache une forêt…

Note :
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Juste après la démesure et la fougue de « Nés en 68 », fresque
grandiose suivant le destin d’une multitude de personnages sur une quarantaine d’années, le couple à la ville comme au cinéma Ducastel et Martineau préfère revenir à un cinéma plus calme et
resserré, avec un seul lieu (une maison isolée au milieu d’une forêt), une seule famille et une courte période (moment de deuil autour de la mort d’un des fils)… Le film joue d’ailleurs bien
volontiers sur son apparente simplicité : peu de mots, beaucoup de scènes où l’on scrute une nature sereine et silencieuse, qui pour un des personnages rappelle la mort, que les habitants des
villes ont bien malheureusement oublié…

Parce qu’après tout, la mort demeure le fondement même de la vie, et les hommes ont souvent tendance à l’oublier, probablement par peur ou par arrogance. Mais oublier la mort, cette destination
finale vers laquelle nous tendons tous, c’est aussi oublier de vivre et de profiter du temps qu’il reste… Dans « L’arbre et la forêt », c’est d’ailleurs la mort du fils aîné qui permettra de faire
éclater un secret, trop longtemps tu, qui empêchait finalement à la famille d’exister pleinement. Comme on est dans le non-dit le plus sourd et profond, filé par une mise en scène tout en douceur
vague et mélancolique (la pluie, le vent dans les arbres, la musique, le temps de la promenade ou du sommeil…), on ne sait finalement rien des circonstances de la mort de ce personnage, que
visiblement son entourage connaissait peu, au point parfois d’oublier de le pleurer ou de se demander même s’il le méritait… Beaucoup de choses demeurent dans l’ombre et le silence pour le
spectateur, fasciné par cette famille où tout semble se taire et où les apparences sont parfois trompeuses. Même le secret du patriarche, tout en retenue dans sa solitaire tristesse, n’est pas
révélée avant la moitié du film ! Tout avance doucement et permet aux réalisateurs de s’aventurer dans un portrait familial des plus délicats.

Devant la maison, il y a un arbre, planté par le père à son retour des camps pendant la seconde guerre mondiale et porteur du secret de famille, pierre angulaire du long métrage. Car le père n’a
pas été interné pour les raisons que l’on dit, mais pour homosexualité, chose que l’on ne pouvait pas dire, même après que la guerre soit finie. Le film porte ainsi sa légitimité de ce sujet
difficile, peu exploité, mais quand même bien mieux exploité dans le téléfilm « Un amour à terre » de Christian Faure, en 2005… La perspective familiale de « L’arbre et la forêt » gâche peut-être
ici l’impact de la révélation : on observe les réactions de chacun, plutôt bien rendues et poignantes. Le secret, le silence auront fait du mal à tous, même si le père en a souffert le plus
directement, bien sûr. Les liens familiaux ont été brisés et tout est encore à reconstruire… Guy Marchand est très bien dans ce rôle à contre-emploi vraiment étonnant et Françoise Fabian incarne
une femme bienveillante pour cet homme qu’elle aurait pourtant pu (du ?) quitter. Notons aussi la prestation de Catherine Mouchet en veuve pas du tout éplorée, qui insuffle un peu d’humour,
d’ironie et de relativisme dans ce drame un peu lourd.

Reste la forêt, pourrait-on penser, pour finir… Est-elle le monde qui entoure l’arbre (généalogique) planté devant la maison familiale, que l’on finit par vendre pour s’en débarrasser ou pour mieux
pouvoir le fuir ? La dispersion finale de la forêt marque peut-être aussi l’éclatement de la famille, qui n’était déjà pas dans un état des plus brillant… La métaphore de l’arbre demeure en tout
cas très signifiante lorsque l’on parle de famille, de génération et de transmission : on plante un arbre en se disant que c’est ceux qui nous survivront qui le verront grandir… Planter un arbre
pour ne pas être oublié, pour que l’horreur et le passé demeure à tout jamais sous les yeux du monde à venir, qui espérons-le saura s’en souvenir encore longtemps… Et c’est là que les
petits-enfants peuvent conclure le film en beauté : non, vraiment, ils ne le couperont jamais, cet arbre !






























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3 commentaires:

  1. C'est un beau film tout en sobriété. Guy Marchand y est magnifique, il me fait penser à son arbre, massif, imperturbable mais aussi fragile. Et ça me fait penser à ce plan où lui et
    sa femme regardent l'arbre par la fenêtre pendant la tempête...

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  2. Ducastel & Martineau sont mes chouchous !de ces cinéastes dont je vois tous les films !
    du coup je ne lis pas d'autant que tu sembles très réservé sur le sujet...

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  3. oui j'adore tous leurs films aussi, même lorsqu'ils sont descendu par la critique... ce qui était le cas de celui-là (ou de "ma vraie vie à rouen" qui je trouve génial autant dans la forme
    audacieuse que dans l'histoire...)
    mais je ne suis pas réservé !!!! 1 étoile, ça veut dire "bien"... c'est quand même déjà bien non ? ;)
    je crois que personne ne comprends rien à mon système de notation...

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