vendredi 22 janvier 2010

Inglorious basterds, de Quentin Tarantino (Etats-Unis-Allemagne, 2009)

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Note :
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Ce film est actuellement repris en salle dans le cadre du Festival Télérama, en compagnie de 14 autres films marquant de l'année
2009
.

A noter également qu'il est l'un des meilleurs films de l'année 2009 selon Phil Siné.

Le film s’ouvre sur une scène d’anthologie comme seul Tarantino sait en faire : dans une France occupée pendant la seconde guerre mondiale, un méchant nazi rend une visite « courtoise » et polie à
un français qui cache une famille juive sous son plancher. Tout respire la maîtrise cinématographique dès les premiers plans. La mise en scène est puissante et tout paraît sublimé : on frôle
l’orgasme à chaque mouvement de caméra ! Le choix du cinémascope et la profondeur de champ transforme la scène en western ironique, genre duel entre l’occupé et l’occupant. Même la musique vient
servir à merveille les images, à moins que ce ne soit l’inverse, l’image venant illustrer une musique brillante et génialissime (à l’image de toute la bande son du film, idéale et souvent
surprenante) : ici, on a droit par exemple à une version décalée de « La lettre à Elise », repassée à la moulinette de la musicalité western, plutôt décalée façon Ennio Morricone d’ailleurs… Mais
le duel sera brillamment désamorcé par le dialogue, qui se transforme très vite en une joute verbale jouissive, au cours de laquelle le nazi use et abuse de la langue pour manipuler et faire parler
sa victime.

Les dialogues sont d’ailleurs l’un des points notables d’« Inglorious basterds ». Ils sont particulièrement soignés et bien écrits, et utilisent surtout avec une aisance folle tout un ensemble de
langues diverses, qui transforment le film en grande œuvre internationale et polyglotte (à voir impérativement en version originale, du coup). Dans cette même scène d’ouverture, le nazi ouvre la
conversation en français, afin de charmer et de mieux hypnotiser son interlocuteur en adoptant son langage et en pénétrant par là même son propre univers culturel. Le français ne parlant pas
l’allemand et l’allemand ayant très vite « usé » tout son vocabulaire français, il est convenu par les deux protagonistes de poursuivre l’échange en anglais, astuce plutôt futée de Tarantino pour
remettre son film sur les rails de sa propre nationalité anglo-saxonne. Tout le film est ainsi parcouru de changements de langues subtils et intelligents, mais aussi de changements de registres de
langues ou encore de jeux sur les accents souvent savoureux ! La scène où des purs américains se font passer pour des italiens et essaient de parler la langue tous plus médiocrement les uns que les
autres est déjà culte…

Pour en revenir encore une fois à la toute première scène du film, on peut ajouter qu’elle annonce parfaitement et très logiquement tout ce qui va nous être montré. Elle synthétise en quelque sorte
la quintessence de ce qui va suivre et elle décide même du déroulé de l’histoire d’« Inglorious basterds », voire même de la grande Histoire elle-même. En effet, d’un acte décisif, à savoir tuer ou
ne pas tuer Shosanna Dreyfus, la jeune fille juive de la famille cachée par le français, découle l’avenir du film et d’évènements historiques à la fois. Tout se joue ainsi dans ce plan magistral où
le colonel nazi pointe son arme en direction de Shosanna en fuite et décide finalement de ne pas tirer. Il préfère encore le langage aux actes, en criant à la cantonade à la fuyarde : « Au revoir
Shosanna ! » Et à propos de cette Histoire avec un grand « H » que Tarantino semble manipuler plus qu’il ne faudrait dans « Inglorious basterds », son intention est pourtant posée dès les premiers
mots du films, avec le titre de son « chapitre un » : « Il était une fois dans une France occupée par les nazis »… Ce « Il était une fois » qui ouvre d’habitude les contes de fées et le découpage
en chapitres de son film nous rappelle de bout en bout que nous sommes dans de la fiction et que l’Histoire qu’il nous présente n’est rien d’autre qu’une Histoire fantasmée, dans laquelle oui il
fera mourir Hitler avant que l’extermination juive ne soit lancée à plus grande échelle… Symptomatique de cette géniale réinvention de l’Histoire aussi, la création de ces « inglorious basterds »,
des soldats juifs américains qui exterminent le nazi avec jubilation, comme une sorte d’exutoire positif devant l’horreur ou comme une forme de catharsis historique, façon pour Tarantino
d’exorciser une fois pour toute la pire horreur de l’histoire des hommes…

Chaque plan du film nous rappelle d’ailleurs bien une chose : que nous sommes au cinéma, incontestablement et plus que jamais ! Non content de nous embarquer dans la plus grande fête foraine
cinématographique, usant d’une mise en scène virtuose, d’un montage découpé avec maestria et d’un scénario se permettant les plus belles audaces narratives (digressions diverses, mélange de genres
pourtant a priori incompatibles…), le cinéaste américain le plus doué et le plus cinéphile de sa génération rend en outre l’un des hommages les plus brillants et les plus amoureux à sa passion la
plus excessive : le cinéma ! Conviant tous les styles, tous les genres et toutes les époques du cinéma, Tarantino passe notamment en un clin d’œil du plus extrême classicisme à la plus fougueuse
modernité… Pour preuve l’une des dernières séquences au moment où le cinéma s’enflamme : l’écran ayant brûlé, le visage au rire diabolique de Shosanna se dessine encore de façon impressionniste,
projeté depuis la cabine de projection. Plan suivant : gros plan expressionniste sur un visage, rendant par là même furtivement hommage à l’expressionnisme allemand… Car même s’il n’aime pas les
nazis, Tarantino n’en aime pas moins pour autant le cinéma allemand, car « On respecte les cinéastes, nous ! », comme le dira Shosanna à son jeune prétendant allemand. Tout le film est ainsi
parcouru de références au cinéma et multiplie même les mises en abyme : le film se termine par un attentat des alliés nommé « Opération Kino » dans une salle de cinéma où est projeté un film tiré
des exploits du jeune soldat allemand qui aime Shosanna et qui y joue son propre rôle… ouf ! Quand Aldo Raine, l’un des « Inglorious basterds » assiste à un massacre de nazis, il prétend que «
c’est comme aller au cinoche » ! Et comble des délices, ultime merveille d’un cinéaste profondément ironique et joueur : ce sont les vieux films nitrate desquels on se servait avant pour développer
les bobines des films qui servent à enflammer la salle de cinéma infestée de nazis, ceux-ci s’enflammant plus vite que du papier…

Tarantino réunit enfin un casting international d’exception et sans la moindre fausse note au service de son film intensément cinéphilique et cinématographique : Brad Pitt, Christoph Waltz, Diane
Kruger, Daniel Brühl… et surtout la superbe Mélanie Laurent, qui illumine tout le film ! S’il réussit un film puissant, Tarantino ajoute très certainement avec « Inglorious basterds » un nouveau
chef-d’œuvre à sa carrière encore jeune mais en tout cas sans faute. Le plus amusant à relever dans ce film, ce sont aussi les petites phrases glissées l’air de rien par le cinéaste : Hitler, ému
par la projection, déclarant « c’est votre meilleur film » à Goebbels… ou encore les derniers mots du long métrage, prononcé par un Brad Pitt tout fier d’avoir gravée au couteau sa plus belle croix
gammée sur le front d’un nazi : « Je crois que je tiens mon chef d’œuvre ! » Alors oui, Quentin, tu as raison, on a bien l’impression que toi aussi, tu signes là ton plus grand chef-d’œuvre parmi
tous tes chef-d’œuvre !






























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12 commentaires:

  1. J'ai adoré ce film. Il est troisième a egalité avec kill bill volume 2 pour moi dans mon top tarantino. J'ai hate de pouvoir me le prendre en blu-ray d'ailleurs ^^

    Vlad

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  2. Comme je suis heureux de voir que tu as adoré ce film!!! Par contre un bémol que Mr Castle et moi nous sommes dit: Les dialogues écrits de manière excellente ne sont-ils pas justement trop biens
    écrits? Je m'explique, nous trouvons que les dialogues ont perdu de cette "spontanéité" dont bénéficiaient des films comme "Pulp Fiction" ou "Reservoir Dogs", un manque de ce que j'appellerai des
    "répliques cultes"?

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  3. Honte à moi ! Je l'ai pas encore vu...mais ca va pas tarder :)
    Et tout ce que j'en lis m'y pousse encore plus !

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  4. Rien à rajouter. C'est un film extraordinaire.

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  5. je partage à 100% ton analyse. C'est l'un de mes grand choc de 2009, et le dvd couve tranquillement chez moi.
    après Jackie Brown, mon tarantino préféré.
    Je ne comprends l'argument de Bruce, je trouve au contraire que les dialogues ciselés de Waltz collent parfaitement au truc. Et que les passages avec Brad Pitt sont aussi naturel que ceux de Samuel
    L Jackson dans Pulp.

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  6. Mon top Tarantino se compose ainsi :

    1- Pulp fiction
    2- Reservoir dogs (mais il est limite ex-aequo avec pulp c'est la nostalgie de mon enfance qui le départage ^^ )
    3- Inglourious basterds et kill bill 2
    4- Kill Bill 1
    5- Jackie Brown
    6- Boulevard de la mort (même si pour ce dernier, la version courte d'origine pourrait faire changer la tendance maios je n'ai pas encore eu l'occasion de la voir)

    Sinon pour les com sur mon blog si tu les vois pas tout de suite c'est normal car il faut que je les valide (en cas de spam car j'en ai pas mal). Tout ce que j'ai reçu de ta part à été validé en
    tout cas donc après faut voir si effectivement il y en a un qui n'est pas passé

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  7. Ah je suis pas le seul à être fan de Brad Pitt et de son super accent italien ;)
    J'étais plié en deux mdr

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  8. J'ai vraiment adoré ce film (même si je lui ai mis que 4 sur mon blog). La mise en scène et comme tu dis assez grandiose (le cinemascope utilisé à fond lors de la séquence d'ouverture, dont tu fais
    une excellente analyse).
    Concernant l'intitulé du chapitre, on peu y voir également une réfèrence au western épique (la petite histoire dans la grande histoire).
    Sinon, les dialogues sont vraiement excellent et je trouve qu'ils ne ralentissent jamais le film.

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  9. Le Tarantino que je préfère pour ma part. Mélange des genres, inventivité permanente, mise en scène virtuose, intelligence dans les thèmes abordés. Que c'est bon!

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  10. J'ai mis un moment à me remettre de Mélanie Laurent en Vengeresse Rouge. Et la BO tourne encore dans mon mp3. Comme ça c'est jamais totalement fini!

    Quand je pense qu'à des moments j'étais tellement accroché que je n'en respirais pas!

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  11. Curieux comme les avis peuvent être différents ...je tiens ce film pour un navet pur jus ! Comme quoi, les goûts et les couleurs ...

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  12. aaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhh !!!!!!!!!!!!

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