samedi 9 janvier 2010

Agora, de Alejandro Amenabar (Etats-Unis-Espagne, 2010)

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Note :
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Avant tout autre chose, il convient d'admirer la forme même du nouveau film d'Amenabar. Aidé par un budget visiblement conséquent, le film nous emporte fougueusement dans des décors grandioses et
au milieu de centaines de figurants. Dans une superbe et spectaculaire reconstitution de la cité d'Alexandrie au IVe siècle de notre ère, la fresque prend très vite une ampleur qui confine au
sublime. Dans une Egypte dominée par l'Empire romain (pour quelques jours encore), on assiste à la fin d'une civilisation et c'est tout à fait impressionnant. Le cinéaste espagnol soigne chaque
plan et réussit des mouvements de caméra admirables de précision et de lyrisme... Tous les ingrédients du péplum héroïque sont finalement ici réunis, mais en apparence seulement, puisque la teneur
même du film s'évertue à nous montrer tout autre chose que de grands affrontements guerriers et héroïques.

A Alexandrie, le cinéaste se concentre tout particulièrement sur la vie d'Hypatie, une astronome et mathématicienne très réputée, mais dont il ne reste quasiment aucune trace de nos jours, tous ses
travaux ayant péri dans l'incendie de la grande bibliothèque. Amenabar la présente comme une femme pure et chaste, qui s'interroge sur la grande marche du monde et des astres, et qui sait
transmettre son savoir par son enseignement à ses disciples. Le monde tel qu'on le connaît est cependant en péril, car la révolte des chrétiens et des sectarismes de toute sorte grondent
au-dehors... Bientôt, l'obscurantisme se répand et la science cède. Hypatie et son entourage, un temps réfugiés dans la fameuse grande bibliothèque d'Alexandrie, essayant de préserver toutes ces
connaissances accumulées, devront très vite fuir et laisser la foule furieuse incendier le bâtiment et tout ce qu'il contient. L'évènement est bien entendu l'objet d'une superbe scène, et montre le
point culminant après lequel la chute d'une civilisation paraît soudainement inévitable. Le film nous offre la possibilité de procéder à de larges parallélismes avec notre monde actuel et s'avoue
par là même en-dehors de toute vérité historique, vérité qui n'est d'ailleurs pas son propos. En opposant science et religion, le propos peut bien sûr paraître très classique, voire daté, mais il
paraît ici d'une éclatante modernité, peut-être justement parce qu'en lorgnant du côté d'un âge "classique", le récit nous amène paradoxalement à une vérité universelle puissante et limpide. Plus
encore, l'hésitation et l'indécision sont permises, magnifiquement transmises à travers le beau visage de l'esclave Davus, partagé entre une pudique timidité et des accès de fureur aussi
surprenants qu'inattendus, et coincé dans son indéterminisme entre le christianisme et les leçons de sa belle maîtresse Hypatie... Il incarne aussi le subtil dilemme entre être un esclave pourtant
libre d'apprendre et de penser par lui-même ou être enfin libre certes, affranchi dans une séquence mémorable de fureur lyrique, mais condamné à l'ignorance et à l'obscurantisme, entouré de fous
furieux qui extermineront bientôt des femmes et des enfants !

Mais "Agora" nous raconte surtout, et peut-être même avant toute autre chose, une superbe histoire d'amour, vaine et tragique, parce que pure et non consommée. Hypatie, par son exposition publique
et rayonnante, pour ne pas dire solaire (éclat formidablement rendue par l’actrice Rachel Weisz), attire les regards des hommes. Deux d'entre eux, particulièrement, finiront par se déclarer à elle.
Le premier, Oreste, qui assiste à ses cours pour mieux la draguer, le fera sans éclat et des plus classiquement. Mais Hypatie n'est pas une femme qu'on épouse et elle repoussera donc ses avances.
Elle n'est pas faite pour une vie terne au foyer où elle devrait passer son temps à materner. Elle a besoin d'apprendre, et surtout de comprendre ! Dans toutes ses découvertes, notamment l'élan
final qui lui fera démontrer que les planètes tournent en ellipses autour du soleil (waouh !), il ne faut pas voir, encore une fois, la moindre allusion historique, mais plutôt l'image de l'avancée
de la science et de l'intelligence, par découvertes successives qui parfois sont détruites à peine nées. Elle est le symbole flagrant de tous les Galilée et Copernic à venir, condamnés sans répit
par des inquisitions rétrogrades... Elle représente en somme la modernité en marche, qui avance coûte que coûte, malgré les si longues condamnations au silence et les grands vides historiques. Mais
reprenons le cours de ses amours… Le second à lui montrer son attachement sera son esclave Davus (interprété par Max Minghella, d’une beauté à se damner !), qu’on verra longtemps hésiter, allant
même jusqu’à pleurer à genoux devant elle alors que son intention était de la violer ou de la tuer… La fin nous réserve une mise en mort magistrale d’Hypatie par celui qui l’aime pourtant
désespérément : une mise en mort profondément marquée du seau de l’amour et brillamment érotisée par la mise en scène, qui rend si ambigu ce lien si particulier qui unissait ces deux êtres, et qui
ne passait pas par la chair… Le film dévoile alors sa vérité toute nue, philosophique et intensément métaphysique ! Une merveille éclatante en forme de tragédie romantique !






























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11 commentaires:

  1. J'en entends aps mal parler de ce film qui me tenté pas trop à la base donc du coup je me dis que ca serait peut etre bien que j'aille le voir pour me faire une idée ^^

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  2. Merci pour le lien :) Je compté faire de même pour le tien mais j'ai aps encore eu le temps d'inséré ta bannière dans mes liens ;)

    A bientôt,
    Vlad

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  3. Il y aura une petite cérémonie sur mon blog mais chacun est libre de fêter les victoire à sa façon. De mon côté je trinquerai en imaginant les vainqueurs à mes côtés (dois je mettre un smoking ?
    lol)

    Sinon j'ai rajouté un lien vers ton blog sur le mien ;-)

    A bientôt,
    Vlad

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  4. Et bah moi j'ai pas été aussi enthousiasmée que toi, j'ai trouvé que c'était un bon film, agréable à regarder mais pas transcendant... Certes il y a de beaux décors, certes Racheil Weisz est
    excellente, mais j'ai trouvé que le film manquait un peu de subtilité par moments. J'ai largement préféré Bright Star...

    Amicalement,
    Delphine.

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  5. Ah les goûts et les couleurs... ;)

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  6. Je suis d'accord avec toi, et comme je l'ai d'ailleurs déjà dit chez Niko, quand j'en parlerai (demain normalement), je vais aussi insister sur le côté féministe très important à mes yeux de ce
    film. C'est un vrai coup de coeur parce que c'est un film qui oblige à réfléchir sur la bonne marche du monde. Et il n'y en a pas tant que ça...

    (et, comme tu le dis, quelles histoires d'amour, aussi bien du côté d'Orestre qui ne réussira pas à rester fidèle à son coeur que du côté du sublime Davius qui semble tout le temps hésiter entre
    loyauté et (fausse) liberté)

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  7. Impressionné par le sujet, fasciné même. Un film assez ambitieux et parfois déconcertant, pas aussi audacieux que je l'escomptais. Mais un grand moment.

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  8. Ayé, je l'ai vu! Un vrai coup de coeur ce film ! Subtil, intelligent, bien mené... une Rachel Weisz solaire comme tu le dis, et une belle ode à l'intelligence (et quelle meilleure muse qu'une
    ravissante philosophe pour la personnifier?).

    Au-delà des dogmes religieux, j'y ai surtout vu une critique de toutes nos idées reçues, celles qu'on cherche à imposer à coup de déploiement de "culture" agressive (oui, je parle des femmes qui
    sont prêtes à acheter des pilules dangereuses pour maigrir et ressembler aux aliens "photoshopés" des magazines autant que des dogmes religieux), et qui nous enferment au lieu de nous rendre
    libres.

    Je ne connaissais pas le travail d'Amenabar et je crois que je vais me mettre à le suivre à la trace...

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  9. C'est fait - et j'avais tant d'autres choses à dire !

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  10. Oui, ou alors on ne sait pas par quelle bout la prendre. J'ai vu (enfin) the Crow et je ne sais pas vraiment comment aborder ce que j'ai pensé.

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  11. tiens je crois bien que je ne l'ai jamais vu celui là...

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