jeudi 26 novembre 2009

Scènes de chasse en Bavière, de Peter Fleischmann (Allemagne, 1969)




Note :







Le film commence par le retour d’Abram dans son village natal. Il était parti à la ville et sa vie là-bas reste obscure et insaisissable aux yeux des villageois paysans qu’il retrouve. La vie
reprend dans la maison de sa mère et il offre son aide, notamment en mécanique, auprès de tous ceux qui la lui demande. Très vite cependant, la rumeur circule qu’il sort de prison et qu’il avait
été condamné pour homosexualité… A partir de là, sa vie bascule en enfer et les villageois ne cesseront plus de se moquer de lui. Mais même sous les insultes et les quolibets, Abram, portant
salopette et chemise de bûcheron à carreaux (déjà un stéréotype d’homosexuel ?) demeure stoïque et d’une gentillesse apparemment à toute épreuve… Jusqu’au drame, bien sûr.
Devant la bêtise humaine décrite dans ces « Scènes de chasse en Bavière », la scène la plus terrible demeure peut-être celle où la mère d’Abram elle-même affirme devant tout le monde souhaiter que
son fils s’en aille, pour lui laisser vivre sa vie « normale » au village. Ce rejet de la mère amène les reproches d’une autre villageoise, qui lui rappelle que c’est quand même son fils, malgré
tout. Dans un pareil tableau, le réalisateur semble nous dire que derrière l’intolérance, il y a avant tout la peur. Pas seulement la peur de l’altérité, de la différence, mais aussi la peur d’être
faible. A tout prix, chacun veut se sentir fort, le plus souvent parce qu’il est faible lui-même, et pour se sentir fort, le plus simple est de trouver quelqu’un d’encore plus faible à dominer, à
blâmer ou à opprimer. Force est de constater que dans ce film, la population du village est composée de paysans pauvres et sans avenir, oubliés par la société allemande. Cela n’excuse bien
évidemment en rien leur comportement, mais contribue en partie à l’expliquer.
Rien n’est simple, d’ailleurs, dans cette œuvre forte et sans concession. Abram, la « victime » désignée, n’a pas non plus un comportement exemplaire. Les jeux ambigus qu’il entretient avec un
jeune garçon débile, notamment dans la scène sur le pont alors qu’il lui apprend à faire de la mobylette, apparaissent assez dérangeant à l’image. Certes rejeté de tous et agressé, il finira aussi
par poignarder la prostituée qui le désire. C’est à partir de là que la « chasse à l’homme » commence, mais comme Abram avait été dénoncé à la police avant ce meurtre, on se demande s’il n’est
alors pas tant poursuivi pour son homosexualité que pour celui-ci… Dans le rapport instauré entre la masse des bourreaux et la solitude de la victime, le réalisateur semble vouloir démontrer avec
une éclairante intensité que dans un monde de normalité, ce n’est pas de l’altérité qu’il faut avoir peur, mais bel et bien de la norme et de la morale sociale ou religieuse, débouchant sur les
pires fanatismes…
Au service d’un discours sur la tolérance, Peter Fleischmann impose une mise en scène âpre et aux accents documentaires presque ethnologiques. En parallèle au monde des hommes, il filme la
condition animale : une scène entière montre des cochons en train d’uriner ou de se vautrer dans leurs excréments… Faut-il y voir un symbole de la condition humaine ? La séquence quasi
sacrificielle du cochon que l’on tue, que l’on blanchit et que l’on éviscère avant de s’en repaître, apparaît comme le meurtre métaphorique d’Abram, que l’on rejette et que l’on bannit finalement.
A la fin, une ellipse nous fait passer à une grande fête au village : après le sacrifice bestial du marginal, la vie « normale » peut reprendre et perdurer… Une condamnation magistrale de la
société et du fascisme sous toutes ses formes !






























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