vendredi 20 novembre 2009

Rapt, de Lucas Belvaux (France, 2009)




Note :







Dès les premières images de "Rapt", de Lucas Belvaux, on peut s'attendre à ce que quelque chose de terrible survienne... On nous présente, en quelques scènes courtes et bien choisies, la vie d'un
homme toujours pressé, président d'une grande entreprise entretenant quelques liens avec le pouvoir, enchaînant les rendez-vous furtifs, ralliant à toute vitesse de nombreux lieux au cours d'une
journée, en mouvement constant et perpétuel... Mais un mouvement toujours identique, dirigé invariablement vers la gauche de l'écran : le signe d'un mauvais présage ? L'homme n'échappera d'ailleurs
pas longtemps à son fatum, puisque aussitôt le générique achevé (au cours duquel le titre du film apparaît deux fois en gros sur l'écran), il se fait kidnappé dans une scène plutôt efficace et
musclée... A partir de là, le film va alterner les scènes entre l'otage aux mains de ses ravisseurs et la vie de l'entourage de l'otage dans le monde extérieur, se perdant en tergiversations pour
le libérer...
De son côté, le "président" déchu, amputé d'un doigt et malmené, va supporter la détention humiliante et souvent violente avec une dignité inattendue. Loin de son confort bourgeois, il fait face à
la situation sans jamais rechigner. Yvan Attal réussit là une composition tout à fait remarquable ! De l'autre côté, dans le monde "libre", chacun semble agir selon ses propres intérêts, la vie de
l'otage ne prenant plus au fil du temps qu'un statut de "détail", l'essentiel résident souvent dans les intérêts financiers ou les enjeux de pouvoir... Une belle fable du monde moderne, pourri par
ses dérives économiques, apparaît alors en plein cœur du film. Seules sa femme (formidable Anne Consigny) et ses filles sauront rester dignes de leur père et époux... du moins pour un temps.
Car en effet, plus l'enquête avance, plus la police et les journaux à scandales vont de révélations en révélations sur le passé du détenu, à coups de maîtresses cachées, de garçonnière insoupçonnée
et autres dettes de jeux... Peu à peu, ce ne sont plus les malfrats ayant enlevé le président de la riche société qui sont jugés, mais le président lui-même. Alors même qu'il vit le pire calvaire,
menotté et les yeux bandés, menacé de mort, le monde extérieur se contente finalement de faire son procès !
Dans la suite du film, d'ailleurs, lorsque l'échange pour la rançon tourne mal et que le personnage d'Yvan Attal est en fin de compte libéré, on voit bien que le cauchemar est loin d'être terminé
pour lui. Sa famille aura du mal à lui pardonner tout ce qu'ils auront appris dans le grand déballage médiatique, la police ne le laisse plus sortir de chez lui (il sort d'une prison pour rentrer
dans une autre, soi disant pour sa propre sécurité...), jusqu'aux paroles d'un homme de justice qui l'interroge et sous-entend qu'il pourrait très bien être lui-même l'organisateur de son propre
rapt... Tout le monde le juge et le condamne, sans même s'inquiéter de savoir comment il va après la sauvage et douloureuse séquestration dont il a été victime... Pire que tout : il perd sa vie
d'avant l'enlèvement, condamné à abandonner ses fonctions de président, de mari (sa femme demande le divorce) et de père... L'homme est détruit, rendu au niveau d'un moins que rien, à peine plus
important que celui d'un chien. Les séquences où on le sent encore un peu revivre sont d'ailleurs significativement celles où on le voit jouer avec son chien, complice de toujours...
"Rapt" est un film fort qui, tout en nous montrant avec compassion le destin d'un homme mauvais qu'une terrible épreuve rend pathétique et seul, fait le portrait sans concession d'une époque bien
triste où la vie d'un homme, même indécemment riche, ne vaut pas sa richesse amassée. Un monde où l'argent, seul, compte...






























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2 commentaires:

  1. Bienvenu dans la communauté cinéma, c'est un honneur d'avoir parmi nous un cinéphage comme vous :)

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  2. Pour ma part, je pense que Rapt est intéressant dans la mesure où chacun y lit quelque chose de différent. Et c'est peut-être là sa plus grande réussite car je n'y ai pas vu autant de choses que
    vous. Pour moi, ce film partait d'une bonne intention mais il s'est perdu dans des situations rocambolesques peu réalistes. Quant au jeu des acteurs, Dieu du Cinéma, le jeu des acteurs
    (secondaires). Yvan Attal et Anne Consigny tirent facilement leur épingle du jeu mais ce sont bien les seuls.
    A mon sens, Rapt est un film en demi-teinte, mais ça n'est là que mon humble avis.

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