lundi 19 janvier 2009

Max et les maximonstres, de Spike Jonze (Etats-Unis, 2009)

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Note :
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En adaptant le bouquin culte de son enfance, Spike Jonze détourne complètement l'album jeunesse essentiellement imagé de Maurice Sendak. Il le dilate, il le transforme, il l'approfondit et il en
fait surtout un spectacle non plus pour les tout petits, mais pour les grands (voire très grands) enfants ! Contrairement au livre qui parlait ‘A’ l'enfance, le film de Jonze parle avant tout ‘DE’
l'enfance... Et il en parle d'ailleurs très bien, avec une poésie et une subtilité qui devraient faire fondre même les plus adultes des grandes personnes qui verront ce long métrage ! A travers le
personnage du jeune Max (fougueusement interprété par Max Records, brillamment dirigé), le cinéaste nous montre avec conviction toute la palette d'émotions propre au monde de l'enfance, avec sa
folie, son insouciance, ses batailles de boules de neige, mais aussi ses peurs, ses pleurs, sa solitude et sa sombre mélancolie... A l'image de Sendak ou de Jonze, Max est d'ailleurs lui aussi un
conteur, à travers toutes les histoires qu'il raconte à sa maman, le soir, pour l'endormir. L'une d'elle évoque particulièrement bien les douleurs de l'enfance, en images simples et en peu de mots
: un jeune vampire mordait des immeubles jusqu'au jour où il s’y cassa les dents. Les siens lui demandant s'il s'agissait de ses dents de lait, il leur répondit que non, que c’étaient les dents
définitives et qu'elles ne repousseraient plus. Ainsi devenu incapable de mordre, le petit vampire en perdit son statut de vampire et fût rejeté par les siens. Il se retrouva tout seul et "The
end"...

Du conte de Sendak ne reste finalement que les Maximonstres, ces créatures oniriques et effrayantes, aux faux airs de grosses peluches animées... Avec la ferme volonté de ne pas recourir au
numérique ou à des effets spéciaux dernier cri, Jonze a su créer des "monstres" à l'ancienne, parfaitement réussis formellement et aux visages hyper-expressifs. Toute la partie sur l'île des
maximonstres est d'ailleurs visuellement très belle et d'une originalité bienvennue. Esthétiquement plutôt riche et futé, Jonze constitue un univers coloré et dynamique, à la fois poétique et
inquiétant, doux ou complètement bourrin selon les moments... Un univers à l'image de la conscience du héros également, impliquant notamment des changements de décors pour le moins déconcertant
(l'île possède une forêt dense, un désert à perte de vue et bien sûr un immense océan tout autour), ainsi que des espaces apparemment infini dans lesquels courir jusqu’à épuisement, du corps ou de
l’imagination.

Dans ce monde imaginaire où pénètre Max, c’est à un véritable voyage initiatique auquel on assiste. Fuyant sa maison, sa mère et par là même sa réalité de petit garçon à la famille décomposée,
notre jeune héros s'échappe vers de nouveaux horizons, sur une mer déchaînée, sur un bateau de fortune qu’il conduit en capitaine brave, solitaire et aventurier… Quand il arrive sur l’île et qu’il
fait la connaissance des maximonstres, dont il sera bien vite le roi, d’abord célébré puis déchu, nous sommes bien sûr dans la tête de Max, qui rêve et fantasme. Mais ce voyage intérieur sera une
expérience exemplaire pour lui, qui en sortira grandit, plus riche et plus adulte. Il y apprendra l’inconstance du monde, l’infime durée du bonheur et sa fragilité, et la fatale solitude infinie de
l’âme humaine… D’abord roi aimé et fou de joie, assimilé au groupe avec les maximonstres, qui dorment tous les uns sur les autres pour se tenir chaud, les tensions et les jalousies auront ensuite
raison de toute cette belle harmonie et chacun se retrouvera seul et triste dans son coin.

En s’aventurant même un peu plus loin dans l’analyse, on pourrait proposer une étude psychanalytique du film, dans laquelle chaque maximonstre incarne les fantasmes réifiés et les désirs refoulés
du petit garçon, en mal d’affection et en besoin constant de nouveaux imaginaires à explorer. Dans sa famille, le père est absent et la mère – bien qu’aimante – est surtout démissionnaire. C’est à
l’enfant de bercer sa mère avec ses histoires, c’est à lui aussi de lui proposer le vaisseau spatial qui la protégera de la lave qui envahit la maison, c’est devant lui, enfin, qu’elle s’endormira
et s’abandonnera à la fin du film, le laissant seul gardien de la forteresse familiale… En quittant l’île des maximonstres, sur laquelle il aura du passer mille épreuves, Max tourne le dos à ses
peurs (les maximonstres) et va même jusqu’à leur esquisser un mystérieux sourire depuis son bateau, un sourire vainqueur, avant de les oublier définitivement et de continuer droit devant, car c’est
en traversant cette mer désormais claire et calme, apaisée (contrairement à l’allée), qu’il sortira du monde de l’enfance et deviendra un « grand petit garçon »… Le mythe de la dévoration est
également très présent dans « Max et les maximonstres ». Dès le début, Max se déguise en loup et va même jusqu’à menacer sa mère de la manger si elle ne le nourrit pas tout de suite ! Il finira
d’ailleurs par la mordre avant de quitter la maison. Sur l’île, si le maximonstre Carol (fantasme du père ?) finit par vouloir dévorer Max, roi de pacotille, c’est KW, le double monstrueux de la
mère de Max, qui le fera passer par sa bouche pour le protéger dans son ventre. Max en ressortira gluant (de liquide amniotique ?), renaissant enfin au monde, prêt à devenir l’homme de la maison,
qui en manquait cruellement dans le monde réel…






























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5 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé. Peut-être l'ai-je trouvé légèrement moins subtil que ce qu'on lit de tes impressions, mais touchant et très juste. Presque une version adulte de Labyrinthe avec lequel
    il partage les mêmes effets spéciaux (nés de l'atelier Jim Henson). Poétiquement très réussi et doté d'une bande originale somptueuse.

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  2. je vois qu'on en pense à peut près la même chose. un bien beau film, touchant et sincère. Par contre une toute petite précision, Jonze a eu recours aux effets spéciaux pour les animations faciales
    de ses maximonstres. En revache, le reste est bien artisanal, et les décors fabriqués!!

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  3. Plus je réfléchis et moins je l'aime ce film, l'arrière-plan familial est décidément trop démonstratif, on cerne trop l'état d'esprit de Max...Où est passé le mystère de
    l'enfance ? En bref pas assez d'ellipses. 
    Par ailleurs, certains points de ton "interprétation psychanalytique" me gênent carrément, tu parles de la mère "avant tout démissionnaire", je ne suis pas d'accord, elle est simplement
    démunie à un moment donné face à la crise de son fils mais elle n'abandonne jamais son rôle de mère. De plus je déteste la dernière phrase de ta critique, comment ça Max deviendrait l'homme
    de la maison ? Max reste un enfant, même si son voyage initiatique le fait évoluer et si effectivement les rôles s'inversent entre sa mère et lui l'espace d'un moment. Qu'est-ce que tu
    as contre les familles monoparentales d'abord ? Je trouve ta vision de la famille ici bien conservatrice. En revanche je suis d'accord avec toi : les Maximonstres sont vraiment
    très réussis !!
    A très bientôt !

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  4. C'est vrai que je commence l'année 2010 un peu fort...Mais ça faisait un moment que ça me trottait dans la tête...

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  5. bon, alors je suis content que tu aies pu évacuer toutes ces tergiversations accumulées...

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